Olivier Scatton, chirurgien hépato-biliaire à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, ne cache pas son « anxiété ». Depuis quinze jours, lui et ses confrères ont déjà dû déprogrammer 25 % de leurs activités de chirurgie digestive, passant à trois salles opératoires au lieu de quatre. Toutes les opérations hors cancérologie ont été reportées. « Si on passe à 40 %, ça implique de fermer encore une salle, et là on ne sait plus du tout comment on va faire. Cela voudrait dire déprogrammer des cancers qu’on a déjà du mal à faire… », s’inquiète M. Scatton.
Mardi 9 mars, la barre symbolique des 1 000 malades atteints du Covid-19 hospitalisés en soins critiques en Ile-de-France a été franchie, ce qui n’avait plus été le cas depuis novembre. A ce rythme, le palier de 1 127 lits disponibles précédemment fixé par l’agence régionale de santé (ARS) devrait être dépassé d’ici quelques jours. Lundi, son directeur général, Aurélien Rousseau, avait d’ailleurs donné « l’ordre ferme » aux hôpitaux et cliniques franciliens de déprogrammer 40 % de leurs activités médicales et chirurgicales pour augmenter le nombre de lits de réanimation réservés aux patients atteints du Covid-19. Le nouvel objectif fixé prévoit 1 577 lits disponibles, l’ARS souhaitant qu’il soit atteint « au cours de la semaine prochaine ». « Et nous irons encore plus loin si la situation devait l’imposer », a annoncé jeudi 11 mars le ministre de la santé, Olivier Véran.
A la Pitié-Salpêtrière, comme dans d’autres établissements qui avaient pu éviter le recours à la déprogrammation lors de la deuxième vague, à l’automne, il faut cette fois s’y résigner. « Ça va nous mettre un peu de foutoir », admet Jean-Luc Bouillot, professeur de chirurgie générale et digestive à l’hôpital Saint-Joseph, à Paris, tout juste passé de 14 lits de réanimation à 20. L’établissement compte 19 salles d’opération, 40 % de déprogrammations, cela signifie 8 salles de moins. « Tout ce qui est cancer, on ne discute même pas, pour le reste, chaque chirurgien défend ses propres patients, on discute au cas par cas. Par exemple, les vésicules c’est rarement urgent, les cures de hernies, la chirurgie de la thyroïde ou de la paroi, ça peut attendre, la chirurgie de l’obésité aussi. » Ailleurs, dans le reste de l’hôpital, les prothèses de hanche, les opérations de la prostate ou de la cataracte, « ça va a priori sauter, le vasculaire un peu moins. On prévient nos patients en leur expliquant la situation, ils ne sont pas contents mais ils comprennent ».
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