
Il y a soixante ans, le 22 avril 1961, une partie de l’armée française entrait en rébellion contre le général de Gaulle afin de protester contre sa politique d’« abandon » menée en Algérie. Dirigé par quatre généraux – Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller –, le « putsch d’Alger » avortera au bout de quatre jours et cinq nuits.
Auteur d’un ouvrage de référence, Le Putsch d’Alger (éd. Odile Jacob, 2021, version enrichie d’un travail déjà paru en 1983 puis 2011), l’historien Maurice Vaïsse retrace dans un entretien au Monde Afrique les péripéties de cet événement dramatique qui a infléchi le cours de la Ve République. Il souligne en particulier « la solitude » de De Gaulle au plus fort de la crise, y compris vis-à-vis de ses plus proches collaborateurs.
Pourquoi le putsch d’Alger a-t-il fini par échouer ?
Le putsch a d’abord réussi parce qu’il a été improvisé, puis échoué parce qu’il a été improvisé. Son organisation n’était pas bonne. Les chefs du complot pensaient que tout allait bien se passer. Ils avaient pris des contacts, obtenu des engagements de personnes plus ou moins importantes en France. Mais ils s’engagent un peu à l’aveuglette. C’est en particulier le cas de Challe, qui est le type même de l’officier républicain, un homme extrêmement méticuleux, intelligent, qui réfléchit bien à ce qu’il fait. C’est une surprise qu’un homme comme lui se soit engagé autant à la légère. On lui a fait des promesses, on lui a dit que l’armée marcherait. Il avait confiance. En réalité, quand les chefs du putsch arrivent à Alger, ils se rendent compte que ce n’est pas le cas.
Face à ce coup de force, les régions militaires algériennes vont réagir différemment…
Effectivement. A Alger, ça fonctionne parfaitement. En quelques heures, toute la zone algéroise tombe. Le problème, c’est que le reste de l’Algérie ne va pas faire de même. Dans l’Oranie, le général de Pouilly hésite puis dit non. Quant au Constantinois, le général Gouraud dit d’abord oui puis non. C’est ce qui permet à cet extraordinaire raid que font Louis Joxe, ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, et le général Olié, chef d’état-major de la défense nationale, de produire des effets. C’était très aventureux : leur avion a dû voler en rase-mottes pour éviter d’être intercepté. A certaines étapes, MM. Joxe et Olié ont même dû fuir pour ne pas être arrêtés par des unités de paras. Mais ils parviennent à redynamiser les éléments fidèles à De Gaulle. Et le putsch, qui avait réussi dans les premières heures du samedi 22 avril et une partie du lendemain, va complètement flancher à partir du dimanche soir, c’est-à-dire à partir du moment où De Gaulle prend la parole.
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