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neuf questions pour tout comprendre à la plateforme de diffusion de vidéos en direct

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Une diffusion en direct d’une partie de « Streets of Rage 4 », par l’équipe de Pixels, en compagnie de l’un des développeurs du jeu.

Des hommes politiques de premier plan interviewés en direct sur Twitch par Samuel Etienne, TF1 qui entend y lancer son propre rendez-vous d’information, Arte qui y crée une émission consacrée aux jeux vidéo, ou encore BFM-TV qui se calque au modèle en répondant aux questions des internautes sur les vaccins : la télévision s’intéresse de plus en plus à Twitch, la plate-forme de diffusion de vidéos en direct.

Celle-ci existe pourtant depuis plus de dix ans, et s’est progressivement ancrée dans les habitudes des joueurs de jeux vidéo, son public naturel : nombreux sont les « streamers » à y diffuser en direct leur partie, quand ils ne se contentent pas de discuter avec leur public.

Mais qu’est-ce que Twitch ? Petit guide en neuf questions.

C’est une plate-forme de diffusion de vidéos en direct historiquement utilisée pour diffuser des parties de jeux vidéo. Concrètement, n’importe quel internaute peut, lorsqu’il joue, se filmer avec sa webcam tout en diffusant sa partie sur le site. Les spectateurs peuvent regarder la partie en cours de route, la personne qui joue, et interagir en direct avec le diffuseur grâce à un chat intégré.

La plupart diffusent leur partie depuis un ordinateur ou une console, mais il est aussi possible de se filmer en direct avec un smartphone, pour simplement discuter avec son public. D’après le site Twitch Tracker, la plate-forme attire en moyenne plus de trois millions de spectateurs simultanément, dont 180 000 francophones.

L’idée de Twitch est née sur Justin.tv, une plate-forme de streaming lancée en 2007 par quatre Américains d’à peine 25 ans (Justin Kan, Kyle Vogt, Emmett Shear et Michael Seibel). Les parties de jeux vidéo en direct y rencontrant plus de succès que les autres, les fondateurs de Justin.tv les basculent sur un nouveau site, appelé Twitch.tv en juin 2011. En août 2014, Justin.tv est définitivement fermé, tandis que Twitch réussi à attirer près de 55 millions de joueurs et spectateurs de jeux vidéo par mois. C’est pourquoi le géant Amazon débourse 970 millions de dollars pour acquérir la plate-forme qui s’impose comme le leader de son secteur.

  • Faut-il forcément se créer un compte pour regarder Twitch ?

Il n’est pas nécessaire d’avoir un compte Twitch ou Amazon pour regarder ce qu’il se passe sur Twitch. En revanche, il faut en ouvrir un si l’on souhaite participer aux discussions dans les chats ou soutenir financièrement un diffuseur.

Aujourd’hui, Twitch est toujours majoritairement utilisé pour la diffusion de parties de jeux vidéo. En plus de dizaines de milliers d’internautes partageant leurs performances, on y trouve également de nombreux diffuseurs d’e-sport, le jeu vidéo professionnel. Ainsi, les matchs officiels des jeux League of Legends, Counter-Strike ou Valorant sont souvent diffusés sur Twitch. Si YouTube est plus tardivement entré dans la danse, négociant des droits exclusifs de diffusion pour certaines compétitions, Twitch reste la plate-forme dominante.

Mais l’offre s’est diversifiée, certaines chaînes allant jusqu’à diffuser des débats qui ressemblent à s’y méprendre à des émissions de télévision, ou à des commentaires sur l’actualité, y compris politique. La catégorie « Just Chatting », où les plus importants diffuseurs peuvent simplement discuter de jeux ou de sujets d’actualité avec leur audience, a explosé en popularité au cours des dernières années.

De même, les streams musicaux sont très populaires, allant d’artistes amateurs ou reconnus aux DJ mixant en direct. Cependant, une dispute juridique ayant éclaté à la fin de 2020 a mis un coup d’arrêt à cette tendance, car de nombreux contenus ont fait l’objet de réclamations des ayants droit et ont été supprimés par la plate-forme.

  • Pourquoi le chat est-il souvent incompréhensible ?

Twitch a vu naître, au fil des années, tout un lexique spécifique à la plate-forme, ce que le magazine Mashable appelait, dès 2014, le « Twitch Speak ». Il serait impossible et laborieux de dérouler un glossaire exhaustif, mais on peut mentionner le « PogChamp » (et son dérivé « Poggers »), un des emojis les plus utilisés sur Twitch, qui symbolise l’excitation ou la joie face à un événement survenu durant un stream, ou l’usage curieux, en référence à un épisode du jeu vidéo Call of Duty, de la lettre « F » : postée seule dans le chat, elle est le signe d’une marque de respect à l’endroit d’une personne disparue – selon le contexte, elle peut aussi moquer quelqu’un qui s’est ridiculisé en direct.

  • Comment sont rémunérés les diffuseurs ?

Si les créateurs de contenus trop nouveaux ou trop confidentiels ne touchent pas un centime sur leurs vidéos, les créateurs « partenaires » (dont le statut est signalé, à côté de leur nom, par une petite « coche » mauve) se voient reverser par Amazon une partie des recettes publicitaires générées par leurs vidéos, un pourcentage des « subs » (des abonnements mensuels récurrents de 5 euros) souscrits par leurs spectateurs, ainsi que des « bits » (des dons ponctuels au montant libre).

Twitch valide manuellement les demandes de partenariat

Mais pour y avoir droit, il faut pouvoir justifier d’une régularité (au moins douze jours de diffusion lors du mois écoulé) et d’une base de spectateurs signifiante (au moins 75 personnes par diffusion en moyenne). Des conditions nécessaires pour poser une candidature, mais pas suffisantes : Twitch valide ensuite manuellement les différentes demandes de partenariat.

Outre son programme « partenaire », Twitch propose un programme « affilié » permettant également aux plus petits diffuseurs de toucher une rémunération, cependant moins intéressante.

Certains préfèrent refuser à leurs spectateurs la possibilité de leur verser « subs » et « bits », que ce soit pour des raisons économiques (ils préfèrent, par exemple, demander à leur public de leur faire des dons par l’intermédiaire d’une autre plate-forme, sur laquelle Twitch, et donc Amazon, ne prélèvera pas leur dîme), ou philosophique, car ils ne désirent pas faire du streaming une activité professionnelle. C’est le cas à ce jour de Samuel Etienne.

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  • Quelles sont les conditions d’utilisation de la plate-forme ?

Régulièrement, Twitch a été accusé de ne pas assez modérer les échanges. De nombreux cas de toxicité, de violence, de sexisme, ou encore de harcèlement ont durablement marqué la plate-forme et ses utilisateurs. Avec la crise due au Covid-19 et l’explosion de la fréquentation du site, elle a finalement dû prendre des mesures radicales.

Le 3 mars 2021, Twitch a dévoilé dans un rapport sa stratégie et ses outils pour réguler la parole de ses millions d’utilisateurs : par exemple, la détection de contenus et de comportements pouvant créer des séquelles psychologiques, comme le harcèlement ou les insultes racistes, transphobes et homophobes.

En 2020, la plate-forme a également renforcé sa politique de droits d’auteur. Il n’est désormais plus possible pour un diffuseur d’utiliser n’importe quelle musique pour rythmer son émission. Les utilisateurs ne respectant pas ces nombreux critères courent le risque de voir leur compte suspendu temporairement.

En plus de cette régulation, une grande majorité des diffuseurs font appel à leurs propres modérateurs : des personnes bénévoles ou rémunérées qui ont la possibilité de supprimer des messages dans le chat de discussion, et même d’interdire tout commentaire d’un utilisateur spécifique.

  • Pourquoi parle-t-on beaucoup de Twitch en ce moment ?

C’est Etoiles, un des vidéastes dont la popularité a explosé pendant le confinement, qui a mis le pied à l’étrier à Samuel Etienne, premier transfuge des médias traditionnels à être devenu une véritable star sur la plate-forme. En commentant en direct ses programmes, puis en l’invitant sur sa propre chaîne, ce jeune fan de « Questions pour un champion » a contribué à faire connaître le présentateur de 49 ans à ses centaines de milliers de jeunes spectateurs.

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En décembre 2020, Samuel Etienne a lancé sa propre chaîne, sur laquelle il présente aujourd’hui une revue de presse adaptée au réseau. Lundi 8 mars, il a reçu François Hollande dans son salon (près de 100 000 spectateurs simultanément), ce qui représente une très grosse audience pour Twitch, mais un score confidentiel pour une interview d’un ex-président.

France Télévisions et BFM-TV ont timidement mis un pied dans la porte, tandis que d’autres chaînes du PAF s’apprêtent à les imiter. Au point de provoquer l’ire des utilisateurs habituels de Twitch, une population jeune et geek qui voit d’un mauvais œil l’irruption des médias traditionnels sur une plate-forme qu’ils considèrent comme un espace de liberté, sur lequel le contenu était jusque-là proposé par des vidéastes qui leur ressemblent.

La goutte d’eau, c’est l’annonce mardi 9 mars de l’invitation chez Samuel Etienne du premier ministre, Jean Castex, qu’il devrait interviewer sur sa chaîne ce dimanche. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses réactions indignées reprochent au présentateur, avec qui la « greffe » avait jusqu’ici bien pris, de vouloir y introduire un discours politique en général, et celui du gouvernement en particulier. Au point qu’Etoiles, la star de Twitch ayant adoubé Samuel Etienne, reproche son « choix » à son poulain – et que, mercredi 10 mars, dans sa revue de presse du jour, Samuel Etienne reconnaisse avoir fait « une boulette » en invitant le premier ministre si tôt après François Hollande.

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  • Pourquoi cette popularité nouvelle fait-elle grincer des dents ?

La ligne éditoriale n’est pas l’unique moteur d’une chaîne. La posture et l’interaction y sont primordiales, analyse Mathieu Cocq, économiste et vidéaste partenaire de Twitch :

« Le travail d’un streamer, ce n’est pas de jouer au jeu vidéo ou de discuter sur d’autres sujets : c’est d’être en relation avec sa communauté, de remercier les gens en permanence, de susciter les dons, le soutien, de créer un sentiment d’appartenir à un collectif, c’est ça le travail d’un streamer. »

Ceux qui ne respectent pas ces codes prennent le risque d’être pris pour des arrivistes. C’est le cas, par exemple, lorsque la chaîne de télévision BFM-TV s’est lancée sur la plate-forme. Beaucoup de commentaires hostiles ou d’insultes sont remontés dans le chat, qui était peu modéré. De nombreux internautes voyaient d’un mauvais œil l’arrivée de la chaîne d’information en continu sur Twitch.

« Les streamers misent sur l’authenticité », remarque Mathieu Cocq :

« Quand on les regarde, on a l’impression de parler entre potes et qu’ils ne travaillent pas – ce qui n’est pas le cas. L’arrivée de grands médias sur la plate-forme, début 2021, entre en conflit avec cette rhétorique. Vous ne pouvez pas arriver en important des recettes habituelles de la télévision sur cette plate-forme. Ça a été très mal vu. »

La défiance de certains diffuseurs et d’une partie du public de la plate-forme face à ses évolutions est souvent qualifiée de gatekeeping (gardiennage), une attitude qui consiste à défendre son pré carré contre des acteurs ou des spectateurs perçus comme moins légitimes.





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