Editorial du « Monde ». Un an après avoir appelé, avec d’autres chefs d’Etat, à « déployer un paquet massif de mesures de soutien » d’au moins 100 milliards de dollars (plus de 82 milliards d’euros) pour aider l’Afrique à sortir de la crise liée au Covid-19, Emmanuel Macron reçoit, mardi 18 mai, à Paris, une vingtaine de chefs d’Etat africains pour un sommet consacré à la relance économique du continent.
Il était temps. En 2020, l’Afrique, même si elle a été relativement épargnée par le Covid, a enregistré sa première récession depuis un quart de siècle, et trente millions de ses habitants sont tombés dans l’extrême pauvreté. Plusieurs pays surendettés sont au bord du défaut de paiement, comme le Tchad et l’Ethiopie, et ne peuvent plus faire face à la crise sans aide extérieure.
Après avoir plaidé pour une annulation de la dette en avril 2020, le président français n’y est plus favorable. « Nous ne pouvons pas faire avec les recettes d’hier », a expliqué, fin avril, Emmanuel Macron, qui a appelé à un « new deal » dans le financement des économies africaines, autrement dit un effort exceptionnel et un accent mis sur les investissements dans le secteur privé.
Une annulation de la dette par le Club de Paris, instance présidée par la France et qui regroupe les principaux pays créanciers occidentaux, n’aurait quasiment aucun effet. Au cours des dernières années, la Chine – qui n’en fait pas partie – et les investisseurs privés sont devenus les premiers créanciers en Afrique, éclipsant le vieux club des pays prêteurs.
L’annulation de la dette ne peut d’ailleurs pas résoudre à elle seule les problèmes de développement de l’Afrique. Après les vastes allégements consentis dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE), en 2006, les pays africains se sont mis à réemprunter massivement, à tel point que leur dette a triplé au cours des treize années suivantes.
Faire bouger les lignes
Sans un développement qui passe par la lutte pour une gouvernance transparente, une meilleure intégration aux chaînes de valeur mondiales, de meilleures infrastructures, l’Afrique restera sous perfusion financière des pays riches, de la Chine et des créanciers privés. Or une dépendance trop importante affaiblit la souveraineté des Etats africains.
Le choc subi par le continent africain du fait de la pandémie oblige à faire bouger les lignes. La suspension du service de la dette annoncée en avril par le G20 a permis un répit aux pays à bas revenus. Pékin, absent des mécanismes de restructuration de la dette jusqu’à présent, participera au nouveau mécanisme multilatéral mis en œuvre à partir de la fin de 2021. Mais les négociations risquent de traîner en longueur, alors que la crise consécutive au Covid-19 prend à la gorge de nombreux pays.
Face à ce nouveau défi pour l’Afrique, une aide financière massive est nécessaire, aussi bien en matière d’aide publique (qui a baissé de 1 % en 2020) que de soutien au secteur privé et aux Etats. Les pays riches, qui ont injecté près de 16 000 milliards de dollars dans leurs économies depuis le début de la crise, doivent étendre aux Etats les plus pauvres les largesses vitales qu’ils s’octroient.
La leçon que donne le Covid sur le plan sanitaire – pas de salut sans solidarité internationale – vaut dans les autres domaines : les chemins du développement, de la lutte contre la pauvreté et les catastrophes liées au dérèglement climatique passent par une mobilisation planétaire pour sortir l’Afrique du piège de la dépendance. Et par une mobilisation des sociétés africaines contre la corruption et la mal-gouvernance.
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