ReportagePour désengorger les services de soins critiques des Hauts-de-France, les urgentistes du SAMU déploient une mécanique complexe. Depuis début mars, 47 patients ont été transférés vers d’autres régions.
C’est le moment le plus critique. Les urgentistes du SAMU s’y mettent à six pour soulever le matelas du brancard sur lequel est allongée une patiente de réanimation atteinte du Covid-19, intubée et sédatée, afin de l’introduire dans le petit avion planté au milieu du tarmac de l’aéroport Lesquin, à Lille, mercredi 31 mars. Il faut faire attention aux dizaines de perfusions et de tuyaux le long de son corps.
« C’est sportif », reconnaît Jérôme Cuny, le visage rougi par la chaleur. Le médecin du SAMU du Nord coordonne cette machinerie complexe des évacuations sanitaires vers d’autres régions – les « Evasan » dans le jargon administratif – enclenchées depuis début mars dans les Hauts-de-France.
Les manipulations s’enchaînent selon une petite musique bien réglée, dans laquelle chaque minute compte. A peine une heure plus tôt, cette femme de 62 ans se trouvait dans un lit de réanimation à l’hôpital de Valenciennes (Nord), qui croule sous l’afflux de patients atteints du Covid-19. Dans une heure trente, elle doit atterrir à Vannes, où une ambulance l’attend, pour rejoindre la clinique Océane, prête à l’accueillir. Un second patient venant des réanimations de Creil (Oise) fait le voyage avec elle. L’hélicoptère du SAMU d’Amiens dans lequel il a été transporté a atterri quelques minutes plus tôt, à une vingtaine de mètres de l’avion.
Le médecin urgentiste Axel Zongo et deux infirmières anesthésistes vont accompagner les deux malades durant le vol, afin de maintenir toujours à « l’équilibre » leurs fonctions vitales défaillantes. « On commence à être rodés, on a tous l’habitude de travailler ensemble, ça fait une base solide et un élément de stress en moins », assure le médecin de 34 ans, qui effectue son troisième transfert par avion de cette troisième vague. « L’adrénaline sert juste à garder en tête que la situation est critique », précise l’urgentiste au ton très posé, qui écarte le côté « cow-boy » accolé parfois à son métier, d’autant plus pour des missions impressionnantes comme celle-ci. « On vérifie en permanence tous les détails, on anticipe tout ce qu’il est possible en amont, pour n’avoir ensuite plus qu’à gérer les petites surprises », explique-t-il.
« La fenêtre de tir est très étroite »
Ils sont désormais 47 malades contaminés par le SARS-CoV-2 dans un état grave à avoir été transférés des Hauts-de-France vers la Belgique, la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne. Une première pour la région, qui n’a pas eu besoin de recourir aux évacuations sanitaires en première vague, et n’a transféré que sept patients en Allemagne en novembre 2020.
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