
Le voici donc le dixième et ultime album de Booba, Ultra, qui sonnerait la fin de la récréation. Depuis quelques semaines, le rappeur français, 44 ans, résident à Miami en Floride, annonce la fin de sa carrière de MC. Il n’enregistrera plus d’album solo, interviendra seulement sur ceux des autres, et sortira quand ça lui plaira un ou deux morceaux, a-t-il prévenu dans l’émission de France 5, « C’est ce soir », le mercredi 3 mars.
Tel un Zinedine Zidane, il veut raccrocher au sommet de sa gloire et désormais s’asseoir sur le banc de touche pour entraîner les futures gloires de son sport favori : le rap. Il applique ainsi l’adage d’une des références américaines, Jay-Z : le rap est un sport de jeune homme. Ils sont pourtant nombreux à continuer, aux Etats-Unis comme en France, à rapper au-delà de 40 ans, Eminem ou Kanye West outre-Atlantique ; Oxmo Puccino, Youssoupha, Kery James ici. « Mais moi, ce n’est pas pareil, argumentait-il la veille de la sortie de son disque sur l’émission de RFI et France 24, Légendes urbaines, moi je fais un rap cru. Envoyer des insultes sur la chatte à ta grand-mère à 55 ans, je n’assume pas. »
En effet, en vingt-cinq ans de carrière, le rappeur originaire de Boulogne-Billancourt s’est d’abord fait le champion du rap de rue, avec son groupe Lunatic et le titre Le crime paie (1996), puis leur album Mauvais Œil (2000), où le « métis café crème » racontait ses histoires de deal, ses mois en prison pour le braquage d’un taxi et exposait sa vision sombre de l’avenir ; la voix rauque comme s’il rappait avec des cailloux dans la gorge.
Style « métagore »
Avec son premier album solo Temps Mort (2002), il a imposé son style entre commentaires sociaux sur les ravages de l’esclavage et ses « métagores », métaphores gores, mot-valise inventé pour lui par un auteur de la Nouvelle Revue Française, Thomas A. Ravier. Tout au long des neuf albums qui suivent, Booba s’adapte, se réinvente, décoche des droites à ses concurrents, popularise l’usage de l’autotune, logiciel qui transforme les voix, dès 2008 dans l’album 0.9, tutoyant à chaque fois le sommet des charts. Il raconte son Dakar, ville d’origine de son père dans DKR, décrit le parcours d’un migrant dans Jimmy, introduit la kora de Sidiki Diabaté dans Validée, qui va lancer la tendance lover du rap français.
Booba veut devenir le nouvel entraîneur du rap français en développant des artistes sur ses trois labels 92i, 7 Corp ou Piraterie Music. Mais il est, de fait, depuis quinze ans un des meilleurs directeurs artistiques de cette musique, lançant les carrières de Kaaris, Kalash, Damso, Maes et défaisant celles d’autres, La Fouine, Rohff… Via ses réseaux sociaux et ses quelques millions d’abonnés, il distribue aussi les bons ou les mauvais points, ridiculise ceux qui n’ont pas grâce à ses yeux ou qui ne lui ont pas prêté allégeance : Gims ou encore Fianso, rappeur du 93. En diffusant d’ailleurs une « sextape » de ce dernier sur Instagram, Booba voit son compte supprimé, le 30 janvier 2020.
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