
L’homme est un catholique fervent et modeste. Alors même après un match héroïque, Kaylor Navas campe la figure de l’humble pêcheur redevable à « Dieu » pour avoir multiplié les arrêts (neuf en tout) contre le FC Barcelone en huitième de finale retour de Ligue des champions, ce mercredi 10 mars. « Je remercie Dieu ce soir. C’était un match difficile, on avait tous envie de bien jouer et de tirer profit de la bonne performance du match aller », a communié le gardien du Paris-Saint-Germain dans large sourire au micro de RMC Sport.
Difficile, c’est un euphémisme que traduit mal le résultat final (1-1). Vainqueur séduisant au match aller (4-1) au Camp Nou, le PSG a failli réveiller un mort au Parc des Princes tant il a été fébrile, presque inconséquent et surtout mauvais gestionnaire de son pécule. Pathétique trois semaines plus tôt, le Barça a juste été empêché de jouer les Lazare ressuscitant et bisser la « remontada » de 2017 (0-4, 6-1) par une vieille connaissance du championnat d’Espagne : Keylor Navas.
En première mi-temps, l’ancien gardien du Real Madrid a endossé les habits du Sauveur, quand en 2017, Kevin Trapp, avait sombré dans ses cages comme tous ses camarades. Mais Navas (arrivé à Paris à l’été 2019) est fait d’un autre bois. Triple vainqueur de la Ligue des champions avec le Real, le Costaricien de 34 ans sait réaliser les arrêts qui vous changent le destin d’une équipe. En début de match, il y a eu ces duels gagnés face à un Ousmane Dembélé insaisissable mais négligeant sur les finitions, puis ce penalty détourné de Lionel Messi. Le tournant du match.
La peur au ventre
A 1-1, la messe n’est pas encore dite. A une ouverture du score de Kylian Mbappé sur penalty déjà, et contre le cours total du jeu à la 30e minute, Messi a répondu par une merveille de frappe flottante nichée dans la lucarne droite de Navas. Mais même avec une marge de trois buts avant une éventuelle prolongation, les Parisiens avancent avec la peur au ventre. Le ballon brûle les pieds des milieux de terrain, Mauro Icardi est un phare éteint dans la nuit, Julian Draxler fait le nombre tandis que Mbappé surjoue les héros à en devenir prévisible.
Alors quand le maladroit Layvin Kurzawa savate Antoine Griezmann dans la surface, il y a quand même comme un parfum de « remontada », – ce concept de journalistes qui « saoule » des joueurs forcément dans le présent, dixit le défenseur Abdou Diallo après la victoire contre Brest en Coupe de France samedi dernier – , qui refait surface.
Mais le Barça ne retournera pas aux vestiaires avec un court avantage et des idées longues. La faute au talent de Navas et à son meilleur allié bien sûr. « Grâce à Dieu je suis resté concentré et ça m’a permis d’arrêter ce penalty », a commenté celui qui a déjà eu droit à son biopic dans son pays natal. Sorti en 2017, le film s’intitule L’homme de foi. « Un titre qui résume ma vie », assurait le joueur à sa sortie.
Son équipe, elle, n’a pas eu foi en ses qualités. Loin des beaux discours – relayés autant par les joueurs que leur entraîneur, Mauricio Pochettino – sur leur envie de gagner ce match retour plutôt que le gérer, Paris a encore donné le bâton pour se faire battre. Incorrigible comme face au Barça en 2017 ou Manchester United en 2019 (1-3), mais pas puni cette fois.
Pochettino et « les influences négatives »
Des vestiaires, à la mi-temps, est pourtant venue la rumeur d’une colère pas si froide du pourtant philosophe Mauricio Pochettino. Interrogé par RMC Sport, l’entraîneur l’a laissé courir (« Evidemment, nous n’étions pas contents de la première période mais les joueurs étaient les premiers à ne pas l’être »), mais a concédé que le contenu lui était resté sur l’estomac :
« Je crois qu’en première période nous avons trop gambergé sur le terrain, on ne pensait pas au jeu mais à cette qualification. Je leur ai dit. Il y avait trop d’influences négatives. Il fallait penser au jeu et oublier ces influences. »
🗣💬 « On a beaucoup souffert en première période, on a trop réfléchi et gambergé. Je leur ai de penser au jeu, pas au… https://t.co/Y6Z8lXWM4L
Mais qu’entend l’Argentin par ces influences ? Celles d’une équipe qui sacralise trop le rendez-vous de février/mars avec la Ligue des champions et ne se met pas dans les dispositions pour enchaîner un match aller et retour aussi consistant ? L’homme est trop prudent dans sa communication pour s’avancer plus loin, cibler des faiblesses éventuelles, mentales ou techniques dans son effectif. Alors, il préfère retenir une seconde période, plus solidaire à défaut d’une autre qualité. « C’est le football, il faut aussi savoir souffrir. L’important, c’est d’y croire, d’éloigner toutes ces pensées négatives », plaide-t-il.
Après tout, son équipe vient d’éliminer le 2e de Liga (invaincu depuis quinze matchs en championnat ce qui est plutôt correct pour une équipe en crise) et l’a réalisé sans Neymar et un Angel Di Maria venu seulement pointer dans les dernières minutes, ce mercredi. Alors avec ses deux créateurs, le Mbappé du Camp Nou, un Verratti plus inspiré et son ange gardien venu du Costa Rica, le PSG offre quelques garanties. Il lui reste encore à progresser dans la gestion émotionnelle des grands matchs, à ne pas trop reculer dès que l’opposition montre un peu les muscles. Mais pour cela, il lui faudra peut-être plus que quelques prières
Comments