Kobili Traoré doit-il être jugé par une cour d’assises ou déclaré irresponsable pénalement ? Vif débat, qui rythme depuis quatre ans l’affaire Sarah Halimi, cette femme juive de 65 ans battue puis défenestrée dans le 11e arrondissement de Paris, une nuit d’avril 2017, aux cris de « Sheitan » (diable) et « Allahou akbar », par son voisin musulman alors âgé de 27 ans. Le sujet était de nouveau débattu, mercredi 3 mars, cette fois devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Je me sentais comme possédé. Je me sentais comme oppressé par une force extérieure, une force démoniaque », avait expliqué, quelques mois après les faits, Kobili Traoré, gros fumeur de joints – une quinzaine par jour. Trois expertises psychiatriques avaient décrit une « bouffée délirante aiguë » induite par la forte consommation de cannabis. Mais si la première, en septembre 2017, n’évoquait qu’une « altération » de son discernement qui n’empêchait pas la tenue d’un procès, les deux autres, en juillet 2018 puis en mars 2019, concluaient à son « abolition ».
« Paradoxe juridique injustifiable »
S’appuyant sur ces conclusions et sur l’article 122-1 du code pénal – « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes » – les juges d’instruction avaient choisi, en juillet 2019, de ne pas renvoyer Kobili Traoré devant la cour d’assises, et de demander à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de se prononcer. Cinq mois plus tard, cette dernière tranchait en faveur de l’abolition du discernement : Kobili Traoré ne serait pas jugé.
La famille de Sarah Halimi s’était pourvue en cassation, et l’affaire se retrouvait donc, mercredi, devant la plus haute juridiction du pays, où l’article 122-1 faisait l’objet de toutes les attentions. « La loi vise le trouble psychique, et non pas la consommation de stupéfiants ou d’alcool, a plaidé l’avocat Emmanuel Piwnica, qui représentait la famille Halimi. Je vous demande de reconnaître que l’utilisation de produits stupéfiants ne peut servir de base à une cause d’irresponsabilité pénale. » A ses côtés, sa consœur Julie Buk Lament a dénoncé un « paradoxe juridique injustifiable » : « Comment un consommateur de cannabis qui a fumé quinze joints par jours depuis plus de dix ans peut-il être déclaré pénalement irresponsable sous prétexte qu’il a été pris d’une bouffée délirante après avoir fumé du cannabis ? »
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