Editorial du « Monde ». Trois ans d’emprisonnement dont un an ferme. La condamnation de Nicolas Sarkozy, en première instance, pour « corruption et trafic d’influence » dans l’affaire dite « des écoutes », lundi 1er mars, est faite pour frapper. Jamais une telle peine n’avait été prononcée à l’encontre d’un ancien président de la République.
Les mots employés par le tribunal sont rudes, et leur effet a tout de la mèche lente : retiré de la vie politique depuis 2016 mais bénéficiant encore d’une forte aura dans son camp en raison de la nostalgie qu’entretient sa victoire de 2007, l’ancien chef de la droite a perdu, en quelques minutes, une bonne partie de son potentiel politique.
Nicolas Sarkozy a, certes, fait appel du jugement, mais son nom et sa réputation sont entachés, alors que se profile, dans les tout prochains jours, une nouvelle échéance judiciaire ô combien plus sérieuse. Le 17 mars, l’ancien président de la République se trouvera de nouveau face aux juges, cette fois dans le cadre de l’affaire Bygmalion, qui porte sur l’important dépassement de ses frais de campagne, lors de l’élection présidentielle de 2012.
La portée du jugement sur les écoutes ne peut se comprendre sans que soit évoquée cette chronologie des procès qui rythment désormais la vie de l’ancien chef de l’Etat dans une relation hystérisée avec les juges. L’affaire en soi est moralement choquante, bien en dessous de ce que l’on peut attendre du comportement d’un ancien président de la République, mais elle était difficile à juger : Nicolas Sarkozy était poursuivi par le Parquet national financier pour avoir, en 2014, alors qu’il n’était plus président, tenté d’influer sur une décision de la Cour de cassation le concernant dans l’affaire Bettencourt par l’entremise du magistrat Gilbert Azibert, en échange pour celui-ci d’un poste à Monaco.
L’affirmation de l’autorité des juges
Finalement, l’ancien président de la République n’a pas obtenu gain de cause, et Gilbert Azibert n’a pas été nommé à Monaco, si bien que le « pacte de corruption » qui lui est reproché n’a pas été suivi d’effet. Nicolas Sarkozy tablait donc sur la clémence du tribunal, d’autant qu’il n’a cessé de remettre en cause la légalité des écoutes téléphoniques qui ont permis de faire éclater l’affaire. Le tribunal lui a, au contraire, administré une cinglante leçon, en estimant qu’il avait commis deux délits qui portent « gravement atteinte à la légitime confiance que chaque citoyen est en droit d’accorder à la justice ».
Quelque chose de très politique se jouait à travers ce procès : l’affirmation de l’autorité des juges face à un ancien président de la République qui n’a cessé de chercher à les discréditer. En ligne de mire, le Parquet national financier, créé en décembre 2013 pour traquer la grande délinquance économique et financière, jouait sa réputation et donc sa survie. Fragilisé par de nombreuses polémiques sur ses méthodes d’investigation, constamment mis en cause par Nicolas Sarkozy et ses défenseurs, il sort conforté par le jugement du tribunal, sans être totalement assuré de la suite.
A chaque fois qu’il s’est trouvé acculé, Nicolas Sarkozy a cherché à galvaniser ses troupes contre les juges, ce qui était une façon de se réarmer politiquement. Aujourd’hui, il récolte la monnaie de sa pièce et doit s’interroger sur l’opportunité de poursuivre cette surenchère de nature populiste, qui est non seulement devenue un piège pour lui mais un risque pour le pays.
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