
PUBLIC SÉNAT – SAMEDI 6 MARS À 21 HEURES – DOCUMENTAIRE
Le 20e anniversaire de la destruction des bouddhas de Bamiyan (Afghanistan) rappelle la sidération provoquée par cette attaque inédite contre un lieu patrimonial. D’autres suivront. Celle, en juillet 2012, de 16 mausolées musulmans classés au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, à Tombouctou au Mali. Celle, filmée dans une vidéo de propagande diffusée le 26 février 2015 par l’organisation Etat islamique (EI), d’œuvres d’art dans un musée de Mossoul (Irak), puis celle du site antique voisin de Ninive. Celle, la même année, du temple Baalshamin de Palmyre, en Syrie…
Après le choc, l’émotion et la colère, le documentaire réalisé par Thomas Raguet, Au nom du patrimoine, s’attache à comprendre le « pourquoi » de ces actes, démarche qui permet un sursaut d’optimisme lorsqu’il s’agit de faire le point, reportages à l’appui, sur l’avancée des reconstructions.
Les intervenants sollicités ont longuement étudié le mode d’action des combattants de l’EI avant de soumettre leurs conclusions. « Ils veulent détruire l’histoire présentée jusqu’alors pour reconstruire l’histoire selon ce qui intéresse Daech. Ils veulent réécrire l’histoire d’un islam dominant », explique ainsi Gabriel Martinez-Gros, historien spécialiste de l’islam médiéval. Il rejoint en ceci les points de vue de Mounir Bouchenaki, archéologue et conseiller pour l’Unesco, ou encore Bariza Khiari, vice-présidente de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph), également interrogés.
Reconstructions
Sophie Makariou, présidente du Musée Guimet, à Paris, pointe une apparente contradiction – « Ils [les combattants de l’EI] utilisent les images pour montrer la destruction des images » – pour mieux démontrer leur volonté de détruire « l’œuvre impie des Occidentaux ». Le patrimoine est ainsi devenu l’instrument d’une guerre d’un nouveau genre.
La virulence des actes commis en 2015 provoque une prise de conscience à l’échelle internationale. Celle-ci va se traduire, un an plus tard, par la première condamnation au Tribunal pénal international de La Haye d’un commanditaire de la destruction des mausolées, Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi, touareg salafiste et enseignant, à neuf ans de prison pour crime de guerre. Une qualification en forme de reconnaissance, qui ouvre la voie aux reconstructions.
Dans le film, la partie consacrée à celles-ci est l’occasion de découvrir la start-up française Iconem, qui a modélisé en 3D la mosquée détruite Al-Nouri de Mossoul, afin d’optimiser la programmation du chantier. Cette partie permet également de mesurer l’importance du travail fourni sur ce point par l’Aliph. Créée le 8 mars 2017 et basée à Genève, en Suisse, la fondation a, depuis sa création, lancé une vingtaine de projets pour la protection ou la réhabilitation de lieux endommagés.
Ainsi, après avoir rencontré une première fois en décembre le directeur du Musée de Mossoul, émouvant au milieu des blocs de pierre éparpillés, c’est un plaisir de le revoir au côté des restaurateurs du chantier. Depuis la France, le sculpteur Daniel Ibled apporte son savoir-faire « en distanciel ». Thomas S. Kaplan, philanthrope et président de l’Aliph, encourage : « L’espoir est le ciment de la société. »
Au nom du patrimoine, de Thomas Raguet (Fr., 2020, 60 min).
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