
La rencontre à Genève entre le président des Etats-Unis, Joe Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine, qui a duré moins de quatre heures, a commencé par une bousculade. Quelques dizaines de secondes consacrées à la séance photo – après une hésitation, les deux dirigeants se sont brièvement serré la main, geste devenu rare en pleine pandémie de Covid-19 –, puis les services de sécurité ont repoussé les journalistes, avec plus ou moins de courtoisie, comme le montre une vidéo du Washington Post. Mais cet épisode n’a pas donné le ton des échanges. Il faut dire que les deux présidents avaient une excuse pour être pressés : ils devraient évoquer rien de moins que l’Ukraine, la Biélorussie, la désinformation, les attaques informatiques, sans oublier l’opposant russe Alexeï Navalny. A l’issue de leur entretien, ils ont chacun rejoint leur délégation, pour deux conférences de presse séparées.
« Aucune animosité »
M. Poutine, qui a été le premier à s’exprimer, a soufflé le chaud et le froid. Le président russe a décrit l’ambiance de la réunion : « Il n’y avait aucune animosité », ajoutant que, « sur beaucoup de questions, [leurs] évaluations divergent, mais les deux parties ont démontré un désir de se comprendre l’une l’autre et de chercher les moyens de rapprocher les positions ».
Sans surprise, il a dit que M. Biden était « un homme d’Etat expérimenté », « très différent » de Donald Trump. Il a expliqué que leur échange seul à seul – sans les ministres des affaires étrangères Antony Blinken ni Sergueï Lavrov – « avait duré près de deux heures ». « Ce n’est pas tous les leaders mondiaux qui reçoivent autant d’attention », a-t-il ajouté.
Le président russe a annoncé que les deux pays s’étaient entendus pour un retour de leurs ambassadeurs respectifs, rappelés par Moscou puis Washington en mars et en avril. Ils sont convenu d’entamer des négociations sur le nucléaire afin de remplacer le traité New Start, qui limite les armes nucléaires après son expiration, en 2026. Il a aussi assuré que les Etats-Unis ne devaient pas s’inquiéter d’une militarisation russe dans l’Arctique, région stratégique où la Russie ne cache pas ses ambitions.
Il a ajouté que les deux pays s’étaient entendus sur un dialogue en matière de « cybersécurité », ajoutant toutefois que « le plus grand nombre de cyberattaques dans le monde provient de l’espace américain » et critiquant l’absence de coopération sur le sujet de la part de Washington.
Interrogé à propos d’Alexeï Navalny, M. Poutine a évoqué le mouvement Black Lives Matter, l’assaut contre le Capitole, avant de déclarer que l’opposant « savait qu’il violait la loi » en ne respectant pas les conditions d’une condamnation avec sursis alors qu’il était soigné en Allemagne après un empoisonnement.
Nombreux sujets de divergence
En amont de leur rencontre, les deux dirigeants ont exprimé leur espoir de relations plus stables et plus prévisibles, cependant que leurs divergences sont nombreuses et concernent un éventail de questions. Lundi, à la fin du sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), à Bruxelles, M. Biden avait promis de dire à M. Poutine quelles étaient « ses lignes rouges » : « Nous ne cherchons pas un conflit avec la Russie, mais nous répondrons si la Russie continue ses activités », avait-il déclaré. A Bruxelles, M. Biden avait lancé un avertissement très clair au sujet de M. Navalny, affirmant que sa mort « serait une tragédie » qui « ne ferait que détériorer les relations avec le reste du monde. Et avec [lui] ».
De son côté, le président russe, qui a déjà côtoyé quatre autres présidents américains depuis son arrivée au pouvoir, à la fin de 1999, a obtenu ce qu’il désirait : la tenue du sommet comme illustration de l’importance de la Russie sur la scène mondiale. Dans un entretien à la chaîne américaine NBC, il a dit espérer que le président démocrate se montre moins impulsif que son prédécesseur républicain. Mais il a aussi saisi l’occasion pour souligner combien M. Trump était, selon lui, un homme « talentueux ».
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